Animé depuis 45 ans par Marcel Col et Bernard Maume, l’Atelier Théâtral Riomois surprend par sa longévité et la qualité du travail réalisé. Rencontre avec l’une des plus anciennes troupes de théâtre de la région.
- 1965 : De Gaulle, le Vietnam, apparition de la minijupe, le Français remplace le Latin à la messe, Gérard Oury tourne Le Corniaud, mort de Jacques Audiberti, Marcel Col crée l’Atelier Théâtral Riomois.
- 1966 : De Gaulle, le Vietnam, Bokassa s’empare du pouvoir en Centrafrique, Ronald Reagan est élu gouverneur de Californie, Gérard Oury tourne La Grande Vadrouille, Bernard Maume rejoint l’Atelier Théâtral Riomois.
- 1969 (sans passer par la case 68) : Pompidou, le Vietnam,… Marcel Col, Bernard Maume et Pierre Michon jouent « En attendant Godot », pièce de Beckett, un soir de novembre, à Clermont-Ferrand (*).
GRAVITÉ ET LÉGÈRETÉ
Tracer à grands traits le contour historique des fonts baptismaux où fut consacré l’ATR n’est pas nécessaire à la compréhension de ce qui va suivre. D’ailleurs, le choix des évènements cités ci-dessus est pour le moins arbitraire. De Gaulle ou le Vietnam, passe encore, mais Gérard Oury… franchement…
Pas nécessaire, donc, mais indispensable, car un subtil mélange de gravité et de légèreté caractérisait la décennie 60, chose sans doute énigmatique pour nous autres aujourd’hui qui sommes englués dans l’esprit de sérieux, cette version soft et high-tech de la vanité.
HASARDS ET NÉCESSITÉS
En resserrant les contours historiques (et géographiques), on constate que Riom ne dérogeait pas à l’atmosphère générale, en ce temps-là . Des façades gris anthracite et un passé austère valaient alors à la ville le surnom de Belle Endormie. Mais le sommeil de la Belle n’était que de façade. Pas mal d’idées s’agitaient sous le bonnet de quelques associations, dont celui de l’Amicale Laïque, créée en 58, et que Marcel Col, jeune instituteur épris de théâtre et débarquant de Commentry, avait rejoint dès 65 à la faveur d’une mutation de hasard. « Regardez cette conjonction de hasards et de nécessités pour que naisse l’ATR », fait remarquer Bernard Maume, qui lui aussi fut muté à Riom — c’était en 66 —, où un poste de professeur de Lettres qu’il n’avait pas sollicité l’attendait pourtant au Lycée Virlogeux.
VIE ET TEMPÉRAMENT
Ces deux hommes réunis, l’aventure de l’ATR pouvait commencer. Mais l’ATR, c’est quoi, au juste ?… Une troupe de comédiens amateurs, tout simplement. « Un amateur est un comédien qui n’a pas appris le métier et qui n’est pas payé, contrairement à un professionnel, mais qui a envie, comme lui, de monter sur scène, de prendre la parole en public, au milieu d’un cercle », explique Marcel Col. « Et ce qu’il apporte avant tout, c’est un tempérament, sa vie, voire son expérience professionnelle, comme ces femmes qui travaillent avec nous en ce moment et qui appartiennent aux métiers de santé. »
S’il est aisé de s’initier au ping-pong loin des regards indiscrets et critiques, il n’en va pas de même au théâtre. À un moment, il faut bien se produire devant un public. Or, pour qu’amateur ne devienne pas synonyme d’amateurisme, un long travail de mise en place s’impose. Pour Marcel Col, le metteur en scène de la troupe, ce travail consiste d’abord à construire l’espace, sorte de squelette du décor : « Ensuite, comme dans un grand jouet, on y place les comédiens. Nous les mettons en situation, en force de dire ce qu’ils ont à dire dans la pièce. » C’est à cette condition et dans ce cadre qu’ils peuvent se révéler. « Loin d’être des comiques de bistrots, les gens sont souvent timides, mais il suffit parfois d’un éclairage pour que leur présence sur scène apparaisse, une présence parfois extraordinaire », renchérit Bernard Maume.
PASSÉ ET FUTUR
Depuis 1965, combien de comédiens sont passés par l’ATR ?… Il est tout simplement impossible de le savoir. Même Bernard Maume, habile en chiffres puisque trésorier de la troupe depuis quelques années, n’est pas en mesure de le dire ! Énumérer les titres des pièces et des spectacles montés et joués par l’ATR serait sans doute plus simple, quoique l’exercice s’avèrerait rapidement fastidieux. « Disons que nous avons joué de tout… Des tragédies antiques grecques et romaines, du théâtre classique, Shakespeare, du contemporain… » Sans compter les lectures.
Et l’avenir ?… Un jour viendra où Marcel Col et Bernard Maume se retireront. Qu’adviendra-t-il alors de l’ATR, aussi ancien, comme le souligne Marcel Col au passage, que Le Théâtre du Soleil, la compagnie d’Ariane Mnouchkine ? « Évidemment, nous aimerions que cet élan se poursuive après nous », s’amuse Bernard Maume un brin fataliste, « mais comme le disait Diderot, le destin est cauteleux, alors on ne sait jamais. »
(*) En 1969, Pierre Michon, l’auteur célébré des Vies Minuscules, était étudiant à Clermont et membre de l’ATR. Dans la préface de « Grande Chronique et petites histoires de l’ATR », livre de Bernard Maume, il a fait le récit de cette soirée qui fut décisive, selon lui, pour sa carrière d’écrivain.
Bonjour Monsieur Col,
j’ai participé il y a 12 ans à votre atelier et c’est avec vous et sous votre regard à la fois exigent et passionné que j’ai, je pense, pris le virus du jeu. J’ai eu envie ce matin, après une représentation qui m’a comblée (je joue dans une troupe amateur de Roanne),de vous remercier pour cette porte que vous avez, sans le savoir, ouvert dans ma vie.
Un merci, c’est le but de ce petit message